2. Fraude et évasion fiscales

LA RÉDACTION DE MEDIAPART

Approcher la puissance publique (voir notre premier volet Jusqu'au sommet de l'État et de l'UMP) tout en se montrant hautemen

Approcher la puissance publique (voir notre premier volet Jusqu'au sommet de l'État et de l'UMP) tout en se montrant hautement capable de la tromper en dissimulant des avoirs considérables –allant de comptes en Suisse à une île aux Seychelles–, tel semble l'ordinaire des manœuvres ourdies depuis la maison Bettencourt. Dès lors, les enregistrements dévoilent des infractions en train de se faire, commises dans un climat d'impunité garanti par ce pouvoir secret que confère l'immense fortune.

«On n'a plus le droit d'avoir des comptes en Suisse»

17 septembre 2009

Dans le bureau de Liliane Bettencourt, en son hôtel particulier de Neuilly, le gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, lève un lièvre helvète.

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«Vous savez que cela appartient au Liechtenstein...»

17 septembre 2009

Vingt minutes plus tard, en ce même jour, Patrice de Maistre est déjà mentalement aux Seychelles, où l'île d'Arros lui fait souci. Voilà, selon lui, un legs de l'avocat fiscaliste Fabrice Goguel, qu'il est en passe d'évincer de la maison Bettencourt. L'île d'Arros est une épine illégale dans le pied respectable de la milliardaire, même si Patrice de Maistre conclut avec un cynisme bonhomme: «Il vaut mieux avoir ces problèmes que de ne pas les avoir».

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«Il ne faut pas que l'on se fasse prendre avant Noël»

27 octobre 2009

Comme souvent à cette époque –«J'y vais toutes les semaines en ce moment»–, Patrice de Maistre repart en Suisse, pour que les comptes de sa patronne, menacés d'une certaine transparence, s'évanouissent ailleurs, dans des paradis fiscaux encore sûrs:

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«On est en train de mettre le compte à Singapour»

29 octobre 2009

Deux jours plus tard, rebelote devant Liliane Bettencourt, qui semble avoir tout oublié. Patrice de Maistre revient sur les deux comptes helvètes qui font désordre et envisage de les déplacer à Singapour car, là-bas, dit-il, «c'est plus fermé»:

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«Il y a un autre compte que je ne connaissais pas»

29 octobre 2009

Ce même jour, dans la foulée, Patrice de Maistre revient sur l'épineuse question de l'île d'Arros, dont la dissimulation au fisc semble plus difficile à cacher durablement que celle de comptes bancaires :

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«J'ai peur que le fisc tire un fil»

Approcher la puissance publique (voir notre premier volet Jusqu'au sommet de l'État et de l'UMP) tout en se montrant hautemen

Deux décisions de justice ont validé le travail d'information de Mediapart depuis le début de l'affaire Bettencourt. Devant le tribunal de grande instance de Paris, puis devant la cour d'appel de Paris, Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, ont demandé en référé le retrait de nos premières révélations, estimant qu'elles portaient atteinte à l'intimité de la vie privée puisqu'elle s'appuyaient sur les enregistrements clandestins réalisés par l'ancien maître d'hôtel de Mme Bettencourt. Le 1er juillet, en première instance, puis le 23 juillet, en appel, les juges parisiens ont clairement rejeté cette demande, estimant que notre travail était

«d'intérêt public».

Le jugement du tribunal de Paris précisait que nos révélations relevaient «de la publication d'informations légitimes et intéressant l'intérêt général». Confirmant le jugement de première instance, l'arrêt de la cour d'appel de Paris défend «la légitime information du public»: «Les informations ainsi révélées, concluait la cour, qui mettent en cause la principale actionnaire de l'un des premiers groupes industriels français, et dont l'activité et les libéralités font l'objet de très nombreux commentaires publics, relèvent de la légitime information du public; il en est a fortiori de même lorsque ces informations concernent l'employeur de la femme d'un ministre de la République, alors trésorier d'un parti politique».

Via leurs avocats, Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre ont cependant déposé un recours en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel.

Favorables à la liberté de l'information, ces décisions de justice ont donné acte à Mediapart du sérieux et de la rigueur de son travail journalistique. Depuis notre premier article du 16 juin révélant les enregistrements clandestins, nous avons pris le soin d'expliquer notre démarche en ces termes: «Après avoir pris connaissance de l'intégralité de ces enregistrements, Mediapart a jugé qu'une partie consistante de leur contenu révélait des informations qu'il était légitime de rendre publiques parce qu'elles concernaient le fonctionnement de la République, le respect de sa loi commune et l'éthique de ses fonctions gouvernementales. Nous avons bien entendu exclu tout ce qui se rapportait de près ou de loin à la vie et à l'intimité privées des protagonistes de cette histoire. Nous nous en sommes tenus aux informations d'intérêt général. Figurent donc dans ces verbatims les seuls passages présentant un enjeu public: le respect de la loi fiscale, l'indépendance de la justice, le rôle du pouvoir exécutif, la déontologie des fonctions publiques, l'actionnariat d'une entreprise française mondialement connue».

C'est la même démarche qui a prévalu dans la sélection des enregistrements mis en ligne avec notre nouvelle série qui revisite les origines de l'affaire Bettencourt. N'ont été retenues dans ces enregistrements, premières pièces à conviction des enquêtes judiciaires en cours, que les informations d'intérêt public, dévoilant, éclairant ou expliquant de potentielles infractions en train de se commettre.

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